L'INFORMATION PRECCUPANTE : contribution de l'AVPE aux ETATS GENERAUX
L’INFORMATION PREOCCUPANTE
(Les pièces complémentaires D1 à D5 sont à lire à la fin de l'article)
REMARQUE PREALABLE : depuis plusieurs décennies, et en particulier depuis 1998 avec le rapport de l’Assemblée Nationale sur l’état des droits de l’enfant en France, les colloques, les créations d’organismes de protection de la famille, les enquêtes parlementaires, les textes législatifs se sont succédé. Cette réalité démontre tout l’intérêt porté par le législateur, les institutions, les associations, la nation tout entière aux problèmes de l’Enfance. Leur lecture est riche d’enseignements : tout y a été dit, avec lucidité et compétence. Hélas, force est de constater que 2010 exige la réunion d’Etats Généraux de l’Enfance à l’initiative du Président de a République et ce, parce que la situation actuelle est loin d’être satisfaisante en dépit des espoirs suscités par les textes législatifs récents. Deux rapports illustrent cette remarque :
RAPPORTS :
Rapport Innocenti- UNICEF de 2007 qui place la France dans les derniers rangs des pays industrialisés en ce qui concerne le bien-être des enfants .
Présentation à la presse par Philippe Seguin du rapport de la Cour des Comptes sur la protection de l’enfance. Le président énonce les dysfonctionnements du système institutionnel. Cela concerne au plus haut point l’objet des Etats Généraux et notre atelier en particulier. D 1
CONTEXTE LEGISLATIF : la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. améliore le dispositif d'alerte, d'évaluation et de signalement en créant dans chaque département une cellule chargée du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être.
SIGNALEMENT ET INFORMATION PREOCCUPANTE :Il apparaît indispensable de cerner précisément et objectivement ces deux messages d’alerte. On distingue habituellement le signalement de l'information.
L’information préoccupante consiste à porter à la connaissance des équipes de professionnels (assistantes sociales, psychologues, médecins ou infirmières scolaires..) par voie orale (entretien, téléphone) ou écrite (courrier, télécopie) la situation d'un enfant potentiellement en danger (inquiétude sur des comportements inhabituels, faits observés, propos entendus ou rapportés). Elle peut être considérée comme l’étape première d’une alerte.
Le signalement consiste à alerter l'autorité administrative ou judiciaire, après une évaluation (pluridisciplinaire si possible) de l'enfant, en vue d'une intervention institutionnelle pour assurer la protection des enfants qui ont besoin d'aide ou qui sont en danger.
On peut donc considérer qu’elle survient en deuxième intention.
Cette distinction information/signalement est de nature à apporter une réponse administrative ou judiciaire justifiée et adaptée à la situation de l'enfant.
DANS LE CADRE DE NOTRE ATELIER : il est souhaitable de ne pas limiter notre démarche à la seule information préoccupante (au sens strict) mais de considérer comme information préoccupante tout message d’alerte concernant un enfant en situation de souffrance liée à son milieu de vie, qu’elle soit réelle (enfant en danger) ou potentielle (enfant en risque). Le destinataire de cette information sera tenu de transmettre cette information préoccupante afin que l’institution administrative et –ou- judiciaire intervienne pour lever cette situation de souffrance réelle ou potentielle. Il s’agit donc de favoriser le retour d’un enfant à des conditions de vie favorables à son équilibre et à son développement.
>>> Cette démarche ne devra, en aucune façon aboutir à une aggravation durable de cette souffrance. Ce principe mérite d’être rappelé.
LE DEVOIR DE SIGNALEMENT : il incombe à toute personne témoin d’une souffrance ou d’un suspicion de souffrance.
« Il appartient également à toute personne ayant eu connaissance de mauvais traitements ou de privations infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne particulièrement vulnérable, en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, d’en informer les autorités judiciaires ou administratives, sous peine d’encourir une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (art. 434-3 du
code pénal ) ».
QUI PEUT INTITIER UNE INFORMATION PREOCCUPANTE ?
L’enfant lui-même qui se confie à un parent, un enseignant, un ami, à toute personne de confiance. >>> celle-ci devra agir avec prudence et circonspection pour ne pas mettre l’enfant en danger de représailles.
L’entourage de l’enfant :parent, famille élargie, ami qui suspectent ou constatent une souffrance ou une maltraitance, qui doivent intervenir, et ce, dans des conditions particulièrement difficiles puisqu’elles risquent de mettre en cause d’autres membres de la famille. >>> une réflexion et des pratiques prudentes sont à mettre en œuvre et sans doute à préciser ou à redéfinir.
Une remarque s’impose concernant les plaintes déposées par un parent pour signaler une maltraitance grave : trop souvent l’alerte se retourne contre la victime et celui qui signale la maltraitance.
Les personnels de l’éducation nationale (enseignants, infirmière, médecin scolaire), les assistantes maternelles, les personnels des crêches>>> Il y a donc lieu de sensibiliser un large public au repérage d’une maltraitance ou d’une souffrance (IUFM, conférences…)
Les camarades d’école qui recueillent les confidences d’un camarade ou constatent un changement dans son comportement >>> les confidences seront à traiter avec la plus grande discrétion et la plus grande prudence
>>> En ce qui concerne les enfants, les maîtres sont souvent très réticents à aborder ces problèmes et surtout lorsqu’il s’agit de sévices sexuels. Pourtant des centaines de milliers d’enfants subissent des violences dans le cadre familial. Cf le Rapport de l’INSTITUT ROUSSEY : D 2
>>> Il y a donc lieu de former les enseignants à aborder ces problèmes avec leurs élèves. Des outils existent, néanmoins fort peu utilisés. ., Toute sensibilisation au sein de la classe devra se faire sans provoquer une psychose collective qui conduirait à une chasse à la victime.
Le médecin de famille : personne de confiance, il occupe une position clef mais très inconfortable car il devra passer outre :
1- Le secret professionnel :
>>> il y a donc lieu de rappeler qu’il doit être levé s’il constate des maltraitances ou des carences de soins. C’est une faute pénale que de ne pas signaler pour un médecin Nous pensions que la circulaire Perben de 2004 (D 3 )avait levé les derniers obstacles : or il n’en est rien. En effet, une majorité de médecins ignorent encore ce droit et ce devoir et surtout pensent que cela va leur apporter bien des ennuis. >>> une vaste information doit être menée auprès des médecins libéraux pour les informer, les convaincre et les tranquilliser.
2- -Les Conseils de l’ordre qui encore aujourd’hui, dans bien des départements condamnent les médecins qui signalent des souffrances observées. C’est un débat à mener avec lucidité et détermination sachant que des dizaines de médecins sont condamnés et se voient interdits d’exercice.>>> Il est nécessaire de rappeler aux Conseils de l’Ordre et aux médecins l’article 434 du code pénal et de faire une mise au point décisive afin que les pratiques soient harmonisées d’un département à l’autre et conformes à la loi dans l’intérêt des victimes et des praticiens qui signalent.
Un hôpital public qui, dans ce cas, produit un rapport interdisciplinaire, concernant plusieurs praticiens (médecins, pédopsychiatre, psychologue) rapport qui est signé par le chef de service >>> processus que nous avons vu habilement employé par un agresseur qui a contacté chacun des praticiens qui, étant mis en cause, ont répondu n’avoir pas signé le document de synthèse, ce qui sera retenu par le juge pour dénoncer un faux. >>> il y a donc lieu de confirmer le statut d’un rapport d’un chef de service.
Le 119 (LE SNATEM)
C’est une interface entre l’initiateur d’une information préoccupante et les institutions aptes à apporter une solution. Le SNATEM reçoit ENTRE 2000 ET 6000 appels par jour.
QUELLES SITUATIONS SIGNALER ? :
Tous les éléments qui peuvent constituer une présomption ou une constatation de sévices, de privation ou de délaissement, etc. L'auteur du signalement n'est pas tenu d'apporter la preuve des faits
>>> nous souhaiterions que les Etats Généraux redonnent vigueur aux informations concernant l’absentéisme scolaire (qui peut être un masquage de maltraitance), le retrait de l’école de jeunes filles pour mariage forcé, des risques majeurs de crime d’excision, il y en a des milliers qui se pratiquent en France et de toute évidence les travailleurs sociaux n’ont pas été préparés à la lutte contre ce fléau.
QUELLES INFORMATIONS OU QUELS SIGNALEMENTS NE SONT PAS RECEVABLES ?
Il y a évidement les informations qui participent de la délation de la part de voisins, de personnes privées et qui sont punies par le code pénal.
Il y a lieu de ne pas tomber également dans certains excès qui concernent une appréciation de faits légaux relevant de la vie privée.
On ne peut que condamner les placements d’enfants pour des raisons de précarité familiale. Une aide aux parents serait assurément moins destructrice pour ces familles et coûterait beaucoup moins cher que les placements (D5)
On rencontre aussi la dénonciation des différences culturelles. Ceci vaut pour les travailleurs sociaux qui se livrent parfois à ces excès. Nous avons vu des familles africaines pour lesquelles il était demandé une AEMO avec pour motif que la famille mangeait chez elle avec les doigts, que le père ne faisait pas la bise aux enfants mais leur donnait une petite tape dans le dos. >>> il y a lieu de former les travailleurs sociaux (voire les juges) au respect des autres cultures dès lors qu’elles ne compromettent pas la santé psychique et physique des enfants et qu’elles s’expriment dans le cadre privé. Le problème reste posé pour le Ramadan auquel les enfants participent au risque de compromettre leur vie scolaire. + D5 (FIN DE LA CONTRIBUTION)
A QUI SIGNALER ?
1. Au Président du Conseil Général du département où réside l'enfant.
La transmission d’information(s) préoccupante(s) au Conseil Général (service de l’aide sociale à l’enfance, Cellule Enfance en Danger) est effectuée dans les cas de situations préoccupantes d’enfant en risque ou de suspicion de maltraitance (sans forcément que les faits soient avérés).
La Cellule Enfance en Danger du Conseil Général est chargée du recueil, du traitement, et de l’évaluation de ces informations. Après évaluation, la Cellule Enfance en Danger du Conseil Général peut saisir, si nécessaire l’autorité judiciaire ;
>>> Il nous apparaît comme illusoire de considérer les Présidents des Conseils Généraux comme les maîtres d’œuvre de la Protection de l’Enfance. En effet notre pratique associative nous démontre chaque jour que ces responsables politiques désignés comme responsables de la Protection de l’Enfance n’ont dans les faits aucun moyen de diriger l’action de ces services. On en arrive parfois au paradoxe que les politiques responsables de la Protection de l’Enfance demandent aux associations d’intervenir auprès de leurs services espérant que ces dernières auront plus de chance d’obtenir une réponse humaine et satisfaisante. Il faut déplorer que les travailleurs sociaux, trop souvent, s’autoproclament « indépendants » et intouchables, à l’instar des juges. C’est l’un des gros problèmes qui sera à traiter dans l’atelier n°2. C’est ce que déplore le rapport De Philippe Seguin .
2-Au procureur de la République représenté par le substitut des mineurs au tribunal de grande instance dans les cas d'extrême gravité ou d'urgence
Le signalement au Procureur de la République est effectué pour les situations qui mettent en danger un enfant qui subirait une agression relevant de la faute pénale. Le Procureur a, selon nos observations, comme premier souci de ne pas poursuivre un agresseur potentiel tant qu’il n’a pas les preuves suffisantes de sa culpabilité. Le principe de précaution qui est le plus souvent adopté bénéficie plus à l’agresseur présumé qu’à la petite victime. Alors s’enchaîne une successions de faits particulièrement choquants qui sont explicités dans la fiche D .
LA NATURE DES REPONSES ET LEUR SUIVI
L’IOE (l'investigation d'orientation éducative)
La circulaire du 19 juillet 1991 institue l'investigation d'orientation éducative, mesure qui concerne uniquement les mineurs. Le juge des enfants peut ordonner une IOE s'il estime qu'il manque d'éléments sur la situation de l'enfant ou de la famille en difficulté.
L'IOE repose sur un travail pluridisciplinaire où interviennent divers professionnels, psychologue, psychiatre, travailleur social, conseiller d'orientation...
L'IOE consiste a étudier la personnalité du mineur, à analyser sa situation dans son environnement familial et social. Les préconisations élaborées par le service d'IOE doivent éclairer la décision du juge quant à une mesure éducative, un placement, un soutien spécifique ou toute autre orientation éducative.
>>> L’étude de nombreux dossiers démontrent que le principe de prudence de l’IOE est trop souvent bafoué. Nous sommes en mesure d’affirmer et de prouver que le juge (ce que dénonce Président Seguin suit pratiquement toujours les rapports des travailleurs sociaux. Les rapports des experts psychiatres (mandatés ou libres), les auditions de gendarmerie alarmantes, les signalements des enseignants, des psychologues, des équipes hospitalières, voire du médecin légiste sont souvent écartés au profit du rapport des travailleurs sociaux. Nous assistons même à des rapports de travailleurs sociaux qui occupent le champ de la psychiatrie, rapports qui sont de véritables diagnostics contradictoires avec les rapports des praticiens habilités et mandatés.
>>> il y a lieu d’opérer une profonde redéfinition des compétences, des pratiques, du pouvoir des travailleurs sociaux car ils sont le relais le plus déterminant dans l’interprétation et la transmission des informations préoccupantes.
L’ A.E.M.O (Action Educative en Milieu Ouvert)
L’ AEMO judiciaire est ordonnée par le juge des enfants. L'AEMO est mise en œuvre à la suite d’un signalement se rapportant à la situation d'un enfant en danger ou susceptible de l'être. L'AEMO vise à soutenir l'enfant, à responsabiliser les parents, à amener les personnes concernées à trouver ou à retrouver leur place dans le cadre familial.
L'action éducative repose :
- sur les entretiens dans le cadre de rencontres régulières avec les enfants,
les parents, le groupe familial ;
- sur les échanges avec le milieu de vie de l'enfant ;
- sur l'accompagnement dans le cadre de démarches ou d'activités diverses.
>>>Les mises en garde concernant l’IOE,s’étendent à l’AEMO qui, si elle est le plus souvent une mesure utile, peut donner lieu à des dérives quand un travailleur prend parti dans les conflits parentaux. Au lieu de tenter de pacifier le couple parental, certains s’évertuent à humilier le parent qui n’a pas leur faveur. Nous disposons de cassettes d’enregistrements téléphoniques confirmés par des actes d’huissier, dans lesquels un éducateur conclut un entretien par des propos insultants.
>>>De tels comportements posent effectivement la prise en compte d’une information alarmante dès lors que le filtre institutionnel dysfonctionne à ce point. Le Président Seguin le dénonce clairement.>>> il y a donc lieu de reconsidérer ces pratiques, de donner aux familles des moyens de recours auprès des Présidents des Conseils Généraux en leur garantissant les moyens d’empêcher de telles pratiques. Pourquoi pas recourir à des médiateurs œuvrant en leur nom ?
L’INVERSION DU DROIT DE GARDE :
>>> C’est parfois la conclusion d’une IOE ou d’un classement sans suite. Si elle se justifie quand il s’agit de soustraire un enfant à un parent maltraitant, elle est condamnable lorsqu’elle est la conséquence de rapports orientés, injustifiés, tronqués..L’enfant en paiera durement le prix.
>>> C’est parfois aussi la conséquence du classement sans suite d’une plainte pour violence ou maltraitance. La très grande majorité des plaintes émanant de l’un des parents à l’encontre de l’autre –quand bien même les maltraitances sont attestées par l’hôpital, les auditions de police ou de gendarmerie- sont classées sans suite. La Défenseure des Enfants Claire Brisset déplorait que « 70 % des plaintes pour viols de mineurs échappent à toute poursuite » . Il est nécessaire à l’occasion des Etats Généraux de rappeler l’enchaînement qui s’ensuit :
>>> Le classement sans suite est considéré par le parent accusé de maltraitance comme un blanchiment total.
>>> Il porte alors plainte pour « dénonciation mensongère ».
>>> Pour peu que le parent protecteur refuse les droits d’hébergement, il sera condamné à la prison.
>>> Quant à l’enfant, s’il refuse d’aller chez le parent qui l’a maltraité, on avance, en dépit de tout le dossier préalable qui sera désormais occulté, qu’il subit une aliénation parentale.
LE PLACEMENT EN FOYER OU EN FAMILLE D’ACCUEIL :
En foyer :Selon monsieur Philippe Seguin concernant la décision de placement «L’offre est donc rigide et souvent on a l’impression que c’est elle qui conditionne les décisions plutôt que l’analyse du besoin réel des enfants».Quant aux établissements d’hébergement, «la plupart des départements s’appuient» sur les associations qui les gèrent «trop souvent sans les remettre en cause». «Au rythme actuel, un établissement du secteur associatif est contrôlé par l’Etat en moyenne tous les 26 ans!», a déploré Philippe Séguin, estimant même que «personne ne contrôle quoi que ce soit»
Nous disposons de plusieurs dossiers dans lesquels un parent maltraitant et (durablement désigné tel par les juges) obtient le placement de l’enfant que l’on coupe brutalement du parent protecteur.
Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions que la moitié des placements soient abusifs (selon Pierre Naves) inutiles et néfastes, et ce pour un surcoût de trois milliards d’Euros pour le contribuable.
Le placement en famille d’accueil, mieux contrôlé, est souvent la solution idéale pour qu’un enfant connaisse une résilience suivie à la suite de grandes maltraitances . Hélas, l’idéologie de l’interdiction de tout lien affectif entre l’enfant et sa famille d’accueil conduit à des traumatismes irréversibles pour des enfants en voie de reconstruction.>>> Les Etats Généraux devront redéfinir le rôle des familles d’accueil auprès des travailleurs sociaux.
CONCLUSION :
L’AVPE a mis en lumière bon nombre de dysfonctionnements et effectué un certain nombre de propositions. Nous savons que nous avons outrepassé vers la fin de notre exposé le sujet défini pour l’atelier 1 sur l’Information préoccupante. C’est qu’il nous paraît évident que cette dernière est tributaire des relais successifs qui lui seront faits. Les Etats Généraux n’auront de lendemain que si la Protection de l’Enfance, à travers les différents ateliers, est abordée dans sa globalité.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
D 1 DECLARATION DE PHILIPPE SEGUIN
Protection de l'enfance: «La situation n'est pas satisfaisante»
Le premier président de la Cour des comptes Philippe Séguin, à l'Elysée, le 13 janvier 2009. (AFP Gerard Cerles)
La Cour des comptes pointe la mauvaise application de la loi de 2007 sur la protection de l'enfance. Les structures d’accueil des jeunes en danger seraient trop peu contrôlées et les rôles mal répartis entre judiciaire et administratif.
Les jeunes en danger pâtissent d’une application «pas satisfaisante» de la loi sur la protection de l’enfance, a jugé jeudi la Cour des comptes, estimant que les structures d’accueil sont trop peu contrôlées et les rôles mal répartis entre judiciaire et administratif. «La situation n’est pas satisfaisante», a déclaré lors d’un point presse le président de la Cour des comptes Philippe Séguin, en présentant un bilan de la loi sur la protection de l’enfance en 2007.
Il a évoqué un risque de «maltraitance institutionnelle» contre les enfants. «L’insuffisance» la plus «préoccupante» concerne l’exécution des décisions de justice, selon la Cour, qui a relevé des «délais très excessifs», pour les décisions de placement par exemple.
«Ballottés d’institution en institution» , «On constate que le parcours des enfants protégés est souvent long et chaotique. Les enfants, déjà fragilisés, subissent donc les effets des défauts d’organisation de la prise en charge», a affirmé Philippe Séguin, rappelant que la protection de l’enfance représente environ 6 milliards d’euros par an. ...
La Cour a aussi regretté que «les juges ordonnent 82% des mesures» alors que «de nombreux cas (…) pourraient et devraient être traités par le département».
«La qualité des prises en charge est trop peu contrôlée», a aussi relevé la Cour, notant que «les aides financières» aux familles ou «l’intervention d’un travailleur social» à domicile «constituent une forme de soutien épisodique dont personne ne cherche à mesurer l’efficacité».
«Un contrôle tous les 26 ans!»
Quant aux établissements d’hébergement, «la plupart des départements s’appuient» sur les associations qui les gèrent «trop souvent sans les remettre en cause». «Au rythme actuel, un établissement du secteur associatif est contrôlé par l’Etat en moyenne tous les 26 ans!», a déploré Philippe Séguin, estimant même que «personne ne contrôle quoi que ce soit».
Philippe Séguin a appelé les conseils généraux à «assurer leur rôle central», comme la loi de 2007 les y incitaient, notamment en revoyant les autorisations d’accueil trop anciennes.
«L’offre est donc rigide et souvent on a l’impression que c’est elle qui conditionne les décisions plutôt que l’analyse du besoin réel des enfants», a ajouté Philippe Séguin.
La Cour a aussi regretté que les départements ne reçoivent «pas systématiquement» les informations concernant les enfants en danger, «notamment parfois celles connues des médecins ou de l’Education nationale».
La protection de l’enfance a concerné 300.000 jeunes en 2007, dont la moitié fait l’objet d’un placement hors de la famille et l’autre de mesures éducatives.
La protection administrative, baptisée Aide sociale à l’enfance (ASE), est confiée au département. Les juges prennent par ailleurs des mesures que selon la Cour «rien de distingue au fond des décisions» prises par l’ASE.
L’enquête a porté sur 17 départements, 18 tribunaux de grande instance, 8 Cours d’appel, 5 services départements de protection judiciaire de la jeunesse et «plusieurs» associations.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
D 2 Professeur Michel Roussey (pédiatre)
Président de l'Association française de dépistage et de prévention des handicaps de l'enfant (AFDPHE) - Institut Mère-Enfant, annexe pédiatrique, Hôpital sud, - BP 56129, 35056 Rennes Cedex 2
Objectifs Les enfants victimes d'abus sexuels
Le phénomène des abus sexuels est maintenant bien connu ; il semble très fréquent puisque d'après les différentes enquêtes, il semble que l'on puisse retenir qu'une fille sur huit et un garçon sur dix sont victimes d'abus sexuels avant l'âge de 18 ans. Une fille sur 25 et un garçon sur 33 seraient victimes de viol ou d'inceste. Dans 85 % des cas, l'enfant connaît son agresseur (parent, ami de la famille, voisin) ; dans 40 % des cas, c'est le père ou celui qui joue ce rôle ; 8 fois sur 10, les abus sont répétés. La grande majorité des abuseurs sont des hommes (97 %).
Les enfants de tous âges sont concernés, garçon ou fille ; ils sont généralement âgés de 4 à 11 ans ; 22 % ont moins de 6 ans.
Cela veut dire que sur environ 13 millions de jeunes de moins de 18 ans :
Environ 800 000 filles ont été victime d’abus sexuels
Environ 650 000 garçons.
Environ 260 000 filles ont été violées.
Environ 200 000 garçons ont été violés
>>>>> 650 000 enfants ont été victimes entre 4 et 11 ans.
ESTIMATION DU DEVENIR :
- 100 000 nouveaux cas par an (en augmentation constante depuis dix ans)
- Chaque année : environ 100000 enfants agressés sexuellement dont 1/3 pour viol.
- 25000 signalements ou plaintes sont adressées à la justice.
- 70 % sont classées sans suite.
- 30 % sont retenues soit environ 8000.
La moitié de ces dernières donneront lieu à des poursuites ou des condamnations soit environ 4000. Dans 96 % des cas, les abuseurs seront impunis et les enfants non protégés.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
D3 Circulaire PERBEN (07 juillet 2004)
+ textes importants
(Ce document semble oublié ou méconnu : le relire sera utile aux Etats Généraux de l’enfance)
Certificat médical-type signalement des maltraitances sur mineurs
Discours de Dominique Perben à l'occasion de la présentation du certificat-type
Mesdames, Messieurs,
Dès mon arrivée au Ministère de la Justice, j’ai souhaité mobiliser fortement mes services sur la question des mineurs victimes et notamment sur la question du signalement.
Le signalement n’est pas défini juridiquement et ne figure dans aucun texte légal ou réglementaire. Il s’agit pourtant d’une démarche qui a des conséquences à la fois juridique et humaine importante tant pour l’enfant que pour sa famille.
Il peut contenir des constatations médico-légales mais aussi des constatations sur le comportement du mineur (fatigues, pleurs, craintes…). Cependant en aucun cas, la personne signalante ne peut mettre en cause ou viser une personne comme auteur des faits éventuellement susceptibles de recevoir une qualification pénale.
La réalisation du guide du signalement édité par le Ministère de la Justice en décembre 2003 a constitué une étape importante.
Ce guide conseille de procéder au signalement par un écrit objectif comprenant une évaluation de la situation d’un mineur présumé en risque de danger ou en danger nécessitant une mesure de protection.
Ce guide du signalement connaît un vif succès parce qu’il s’agit d’un outil pédagogique pour l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance. Il se veut d’un usage pratique pour répondre à toutes les situations.
Un nouveau document spécifiquement dédié aux médecins s’imposait.
C’est désormais chose faite avec le certificat médical type pour signaler les maltraitances sur mineurs.
Ce document est le fruit d’un important travail collectif associant le ministère de la justice, de la santé, de la famille et de l’enfance mais également le conseil national de l’ordre des médecins ainsi que les associations de protection de l’enfance.
Je tiens particulièrement à rendre hommage au Docteur KHAN BENSAUDE, représentante du conseil national de l’ordre des médecins pour son investissement personnel dans la réalisation de ce document.
Ce document se veut un outil au service des médecins.
Le médecin confronté au constat de sévices sur mineurs se trouve souvent partagé entre les alternatives suivantes :
Dois – je ou non signaler, est-ce un devoir ou une possibilité ?
Est-ce que je risque des sanctions pénales et disciplinaires si je fais des révélations ?
Ce sont les médecins libéraux qui se sentent le plus en difficulté face à ces situations.
Ils peuvent parfois se sentir démunis face à ces problématiques qui viennent en fait principalement d’une certaine méconnaissance du fonctionnement de la justice et des règles la régissant.
La loi du 2 janvier 2004 relative à la protection de l’enfance a précisé que l’infraction de violation du secret médical ne s’applique pas au médecin qui porte à la connaissance du procureur de la République des faits de maltraitance.
Le médecin doit signaler objectivement les sévices ou privations constatés sur le plan physique ou psychique qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.
Par ce signalement, le médecin ne peut pas faire l’objet de sanction disciplinaire.
Le cadre juridique est donc maintenant clairement posé. Il constitue une sécurité juridique pour les médecins.
Le certificat médical élaboré constitue un écrit objectif. Le médecin doit décrire ce qu’il constate, recueillir les déclarations sans se transformer en enquêteur ou procureur. La notice jointe au signalement aidera le médecin à rédiger correctement ce document.
Une fois transmis, cet outil sera une aide au traitement et à l’orientation des signalements pour les magistrats du parquet.
Je souhaite que la collaboration qui s’est instaurée entre le monde judiciaire, le monde médical et le monde associatif, à l’occasion de ces travaux et dont le premier résultat tangible nous est aujourd’hui présenté, puisse encore davantage se développer.
C’est dans cet esprit constructif que se développent en France les unités médico-judiciaires. Ces lieux nouveaux consacrés au recueil de la parole de l’enfant dans des conditions adaptées au respect de l’enfant constituent des avancées considérables. Elles ouvrent notamment la perspective aux différents acteurs de travailler ensemble, de partager leurs expériences et d’accepter le regard critique de l’autre dans un seul but : l’amélioration de la protection de l’enfance.
Mesdames, Messieurs nos projets sont encore nombreux. Ils doivent trouver une réalisation dans un travail partagé.
Il en va de l’intérêt des victimes.
Je vous remercie.
Déclarations de Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance, et de M. Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, sur les dispositifs de protection des mineurs en danger, notamment le Certificat médical-type de signalement de maltraitance sur mineurs, Paris le 7 juillet 2004.
Personnalité, fonction : ROIG Marie-josée, DOUSTE BLAZY Philippe.
FRANCE. Ministre de la famille et de l'enfance; FRANCE. Ministre de la santé et de la protection sociale
Circonstances : Présentation du Certificat médical-type de signalement de maltraitance sur mineurs, Paris le 7 juillet 2004
Déclaration de Mme Marie-Josée ROIG, Ministre de la famille et de l'enfance :
Messieurs les Ministres,
Madame le Secrétaire d'Etat,
Mesdames, Messieurs,
L'Etat se doit de garantir la protection de l'enfance contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalité physique ou mentale, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitement ou d'exploitation. La France dispose d'un double dispositif de protection des mineurs qui travaille en étroite collaboration.
Le volet administratif de ce dispositif, piloté par les présidents des conseils généraux engage la participation des services sociaux, de la protection maternelle et infantile, et l'aide sociale à l'enfance ;
Le volet judiciaire est représenté par les Procureurs de la République et les Juges pour enfants.
Le signalement est toujours l'aboutissement d'un processus complexe où l'information portée à la connaissance des professionnels doit faire l'objet d'une analyse attentive tout en étant suffisamment rapide pour faire face au mieux à la détresse, lorsqu'elle est confirmée, de l'enfant. Signaler consiste donc à alerter les autorités compétentes, en vue d'une intervention auprès de l'enfant, à l'issue d'une période d'évaluation partagée entre l'autorité administrative et judiciaire.
Le niveau national de ce dispositif d'évaluation des situations d'enfants en danger est organisé dans le cadre du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (SNATEM) qui, grâce à son numéro d'appel gratuit le 119, permet de répondre 24 h sur 24 et 365 jours par an à des appels relatifs à des situations d'enfants maltraités.
Une grande partie de l'activité des écoutants du SNATEM consiste à évaluer la pertinence de la plainte, à apporter une aide immédiate et une orientation vers les structures locales, ou de répondre à un besoin d'information.
L'information recueillie une fois transmise aux conseils généraux donne lieu à une évaluation pluridisciplinaire associant travailleurs sociaux, médecins, puéricultrices et psychologues.
C'est à l'issue de ce travail, que le Président du Conseil général sera à même d'aviser le Procureur de la République. Néanmoins, il est fréquent que l'enquête engagée par les services sociaux ne puisse aboutir, ne serait-ce que du fait du refus de coopération de la famille ou de l'entourage de l'enfant, ce refus pouvant être causé par le doute, la crainte ou, parfois, une attitude de déni qu'il est difficile de contourner.
C'est l'analyse de ces situations qui a amené à ce que nos trois ministères se penchent sur l'un des éléments essentiels de ce dispositif de protection de l'enfant : le certificat médical-type.
Tel qu'il vous est proposé aujourd'hui, ce support devrait permettre à un plus grand nombre de médecins d'apporter les éléments déterminants dans l'analyse d'une situation de maltraitance d'un enfant.
Désormais, l'article 226.13 du code pénal permet au médecin de porter à la connaissance du procureur de la République " les sévices ou privations¿. constatées, sur le plan physique ou psychique¿ " sans pour autant être coupable d'enfreindre le secret médical. La réactivité du corps médical devrait donc en être facilitée.
Issu des travaux menés par un groupe de travail incluant juristes, associations et représentants du conseil national de l'ordre des médecins, ce document d'aide au signalement médical doit permettre aux dispositifs de protection de l'enfance maltraitée de répondre le plus rapidement et le plus efficacement à des situations dont la gravité justifie des mesures de protection destinées à sauvegarder l'intégrité physique ou morale de l'enfant.
Le signalement n'est pas un acte de dénonciation, mais un acte de protection de l'enfant. C'est un des aspects de l'obligation d'assistance à personne en danger inscrite dans notre code pénal. S'agissant d'un enfant, c'est une obligation à la fois civique et morale dont personne n'est exempté.
Simplifier cette procédure, c'est permettre aux plus faibles, c'est-à-dire aux enfants, de voir concrètement mis en ¿uvre les droits qui leur sont reconnus.
Il en va de notre responsabilité d'adultes et de notre devoir de citoyen.
Je vous remercie.
(source http://www.famille.gouv.fr, le 8 juillet 2004)
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
D 4 CONDAMNEES A LA PRISON POUR AVOIR VOULU
PROTEGER LEUR ENFANT
(synthèse rédigée par l’AVPE et fondée sur plusieurs dossiers)
Plusieurs affaires sont exemplaires d’un inexorable enchaînement de faits qui aboutit à la non mise en protection d’enfants agressés. En effet, il semble parfois que la justice cherche à protéger prioritairement non l’enfant mais son agresseur. Pour ce faire, elle déclare « sans suite » les plaintes, les attestations, les signalements de professionnels-fussent-ils de médecins légistes. On n’hésite pas à s’appuyer sur des motifs qui s’apparentent plus à des sophismes qu’à un exercice rigoureux d’analyse ayant pour finalité la recherche du bien-être et l’équilibre de l’enfant. Quant à ce dernier, il risque de continuer à subir les pires outrages .
(Le cadre familial de ce type d’affaire est le plus souvent celui d’un couple parental en conflit, voire séparé, père et mère ayant l’autorité parentale commune, l’un des parents ayant la garde de l’enfant et l’autre exerçant un droit de visite et d’hébergement (DVH)
La structure de telles affaires répond à un enchaînement quasi immuable :
L’enfant, au retour d’un hébergement, présente des signes de souffrance :
>>> Comportement inhabituel : pleurs, détresse nocturne, difficultés scolaires subites , violence ou repli sur soi, incontinence…
>>> Traumatisme physique qui conduit le parent protecteur à consulter un médecin (généraliste, spécialiste) qui effectue un signalement ou un rapport s’ils constate ou suspecte des violences.
>>> Le procureur saisi ordonne une expertise du médecin légiste pour commencer. à Le parent protecteur, suivant les conclusions voire les recommandations du médecin, porte plainte à Le plus souvent, la justice ordonne une enquête complémentaire, fait procéder des investigations (parfois trop décalées dans le temps), fait auditionner l’enfant par les services compétents de justice ou de gendarmerie. Mais dans la plupart des cas, considérant que subsiste un doute, elle prononce un non-lieu quelle que soit l’intensité du degré d’alerte prononcé par les professionnels ou découlant des attestations.
Le parent protecteur ne peut se résoudre à voir son enfant agressé de nouveau et il soustrait donc l’enfant au droit de visite et d’hébergement de l’autre parent. Il pense agir selon ce que lui dicte sa conscience et son devoir de protéger l’enfant. Il ignore, par contre, que 70% des plaintes pour viol d’enfants ne donnent lieu à aucune poursuite …, Un telle décision de la justice rend l’agresseur « blanc comme neige » , l’encourage souvent à récidiver et en tout cas l’autorise à son tour à porter plainte pour non-présentation ou pour soustraction d’enfant .
à Il ne tardera pas à obtenir la garde totale de l’enfant, ou son placement, le parent protecteur étant lui condamné à de la prison, au mieux, à n’obtenir pour lui-même qu’un droit de visite limité dans un milieu médiatisé. En effet, il est alors décrété hystérique ou aliénant, donc dangereux pour l’enfant.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
D5 LORSQUE LA PRECARITE PARENTALE CONDUIT AU
PLACEMENT DES ENFANTS
Document de référence :Rapport Naves Cathala (juillet 2000) :
Implicitement ce rapport porte donc sur l’absence de soutien aux parents, des parents décrits comme des victimes de la précarité, de la désaffiliation : "La pauvreté isole les familles des réseaux primaires de solidarité.
Le rapport de Pierre Naves et Bruno Cathala répond tout d’abord à une question, qui fait suite aux positions de l’association ATD Quart-Monde : la pauvreté est-elle la principale cause des placements ? Leur réponse est nuancée : non, mais...
"Aucun des enfants accueillis provisoirement ou placés, dont la mission a examiné la situation, n’a été séparé de “son milieu actuel” du seul fait de la pauvreté de ses parents, même s’il est impossible de nier l’importance du facteur “précarité” dans les séparations enfants parents subies".
Pour Pierre Naves et Bruno Cathala, si la pauvreté des parents n’est pas la principale cause des placements, c’est cependant un facteur presque toujours présent en arrière-plan, un facteur qui aggrave d’autres problèmes, principalement les carences éducatives, les difficultés psychologiques des parents, les conflits familiaux, l’alcoolisme, la toxicomanie, les maltraitances.
Causes de l’accueil provisoire ou du placement rang : sur 114 cas étudiés
Carences éducatives 52 >>> 1er rang
Difficultés psychologiques ou psychiatriques des parents 29 >>> 2ème rang
Conflit familial 24 >>> 3ème rang
Alcoolisme, toxicomanie 20>>> 4ème rang
Maltraitance : inceste, abus sexuels, sévices corporels...>>> 18>>> 5ème rang
Troubles du comportement 14 >>>7ème rang
Logement 13 >>> 8 ème rang
Autres ( ???) 7 >>> 9ème rang
Maladie des titulaires de l’autorité parentale ou de l’un d’eux 7 >>>9ème rang
Fugue 6 >>>11ème rang
Problèmes médicaux pour l’enfant 4>>> 12ème rang
Mineure enceinte 3 >>>13 ème rang
Ressources financières 3>>> 13ème rang
Tentative de suicide 1 >>>15ème rang
Absentéisme scolaire ou difficultés scolaires lourdes 16>>> 6 ème rang
TOTAL (supérieur à 114, plusieurs causes pouvant être citées) 217
>>> Logement et difficultés financières constituent donc un pourcentage important des causes de placement. C’est une solution cruelle pour les enfants et les parents . C’est une solution absurde quand on sait que le placement mensuel d’un enfant revient à 6 000 euros, soit 72 000€ à l’année.
- Exemple d’une famille où 6 enfants (aucune maltraitance) sont placés et séparés dans diverses familles d’accueil : Coût total de ce placement à l’année 432 000 euros.
Pour une famille, une procédure de signalement d’enfant en danger devant les tribunaux peut coûter plus de 5000 € (deux passages devant le J.A.F. et deux passages devant le juge des Enfants).
50%de placements abusifs ou inutiles : déclarations de Pierre Naves –Commentaires du Fil d’Ariane.
Il est évident que ces crédits devraient être affectés en priorité au maintien de l’enfant dans sa famille afin qu’il s’épanouisse de la même façon que tous les autres enfants.
Les associations de protection des enfants placés abusivement en foyer (par exemple le Fil d’Ariane) estiment qu’aujourd’hui la moitié des placements sont abusifs (25% pour des motifs injustifiés et 25% pour des prolongations abusives), soit 77000 enfants en France.
Le seul moyen pour protéger un enfant en danger en France pour un parent est d’alerter les services judiciaires. Ces signalements se retournent souvent contre les parents, qui souhaitant obtenir de l’aide, voient leurs enfants placés en foyer. De même, ce principe de fonctionnement est utilisé par des parents séparés qui à l’aide d’accusations diffamatoires, qui ne seront jamais vérifiées par la justice, font retirer l’enfant dont ils n’ont pas réussi à obtenir la garde à l’autre parent. L’enfant en danger souffre de ces procédures judiciaires abusives, dont les dossiers sont traités en urgence par des tribunaux surchargés, qui n’ont pas le temps de vérifier les éléments d’accusations et instruisent à charge, statuant selon une logique binaire : placement en foyer ou mesure A.E.M.O.
Une publication du Conseil de l’Europe ‘Droits des enfants placés et en situation à risque’, tire les conclusions suivantes de ces placements :
>>>« Les enfants devraient grandir dans leur famille. Celle-ci, en cas de crise ou de difficultés, devrait recevoir de la part des autorités publiques une aide lui permettant de résoudre ses problèmes et qui soit adaptée à chaque situation spécifique.
>>>Dans certaines situations, néanmoins, les parents sont dans l'incapacité d'élever leurs enfants ou représentent un danger pour eux. L'enfant et ses parents doivent alors être séparés soit avec l'accord des parents soit sur décision de justice.
>>>Le placement doit rester une exception, une solution temporaire - la plus courte possible -, envisageable seulement si toutes les conditions requises sont réunies et si l'objectif premier de cette décision est l’intérêt supérieur de l'enfant, avec à la clé une intégration ou une réintégration sociale rapide et réussie. Le but du placement doit être le développement et l'épanouissement de l'enfant, dont l'opinion doit être prise en compte selon son âge et son degré de maturité.
La protection et le bien-être de l'enfant, fondés sur ses droits - dont ceux de l'enfant placé en institution -, sont une priorité du Conseil de l'Europe, comme l'affirme la Recommandation Rec(2005)5 du Comité des Ministres aux Etats membres relative aux droits des enfants vivant en institution.
Les effets néfastes des institutions sur le développement de l'enfant ayant été prouvés, l'objectif est de prévenir ce type de placement et de réduire le nombre d'enfants placés en développant des solutions alternatives. »
La qualité des interventions des travailleurs sociaux
Si le rapport reconnaît l’implication des professionnels dans leur travail, il constate malgré tout la qualité assez médiocre des informations transmises aux autorités : absence de renseignements sur la situation économique et sociale de la famille, approximations sur l’état civil, affirmations psychologiques non étayées... Parmi les principales justifications invoquées : l’alourdissement général des tâches de ces professionnels et le contexte d’urgence sociale dans lequel ils doivent travailler. Les conséquences directes de ces lacunes sont : une judiciarisation très rapide des situations, des placements réalisés sans que soient étudiés suffisamment les parcours et les histoires des jeunes, des projets différents selon les acteurs, de nombreux placements en urgence et de multiples mesures d’instruction.
Par ailleurs, les rapporteurs relèvent l’existence d’un mouvement de diversification des méthodes d’intervention sociale et éducative qui pourraient faire évoluer le dispositif. Cependant, ces méthodes semblent encore trop stéréotypées : en effet, la mesure prise dépend plus de l’offre existante que des besoins, précisément évalués, de la famille et de l’enfant et le choix de la mesure est trop souvent guidé par la seule alternative AEMO/placement.
Des familles qui vivent mal l’intervention administrative et judiciaire
Le placement est vécu pour la plupart des familles comme un échec d’une intervention sociale ou éducative. Les auteurs du rapport ont pu constater deux sortes de sentiments éprouvés par les familles lorsqu’ils évoquent avec elles le placement :
- la peur : la majorité des familles concernées fuient les services sociaux et se referment sur elles-mêmes, ce qui implique que l’intervention en milieu ouvert est impossible et que le juge ordonne une mesure de placement. Par ailleurs, les pratiques judiciaires ne favorisent pas le dialogue et les familles ne comprennent pas toujours les décisions.
- un sentiment d’injustice : les règles du nouveau code de procédure civile et les pratiques des professionnels conduisent les familles à ne pas avoir accès aux dossiers les concernant.
Dans ces conditions, les rapporteurs soulignent la difficulté de parler de « contractualisation de l’action sociale et éducative ».
Réformes urgentes selon les associations ( Fil d’Ariane)
Les parents estimant leur enfant en danger devraient pouvoir se tourner vers les services sociaux, les M.D.S.I. Mais ceux-ci se déclarent incompétents et n’ont pas les personnels nécessaires pour entendre la parole de l’enfant, et renvoie toutes les affaires devant les tribunaux.
Nous vous demandons donc de mettre en place des structures de suivi et d’aide des enfants en danger en dehors des procédures judiciaires, de former des éducateurs spécialisés dans la protection de l’enfance et ayant autorité pour entendre la parole de l’enfant dans les M.D.S.I., et d’aider les parents de ses enfants de façon à maintenir les liens parentaux plutôt que de priver l’enfant de son père et de sa mère.
Ces mesures permettraient de désengorger les tribunaux pour enfants, qui pourrait ainsi traiter avec plus de rapidité les procédures de signalement d’enfants en danger réel, comme le petit Dylan à Millau, qui a du attendre huit mois pendant lesquels il a vécu un calvaire, avant qu’un juge ne se prononce.
Imprimer |